Lettre ouverte après « L'Ibra-Gate »
La journée de lundi a été marquée par ce que l'on a pu appeler « L'affaire Ibrahimovic ». Le Suédois est sorti de ses gonds dimanche soir après la défaite du PSG et a laissé exploser sa colère. Trop peut-être. Mais cela méritait-il un tel traitement médiatique ?
Avant d'être taxé de pro-Ibra, étant donné le site sur lequel cet article est publié, autant poser les bases immédiatement. Chacune des parties principalement concernées par cette affaire en prendra pour son grade, à commencer par l'intéressé lui-même. Mais il s'agit là de se poser quelques questions sur le sujet et prendre un peu de recul sur une affaire qui, à mon sens, ne reste qu'une tempête dans un verre d'eau.
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Les propos tenus par Ibra
Commençons par le commencement, à savoir le comportement et les propos de Zlatan Ibrahimovic. Autant le dire tout de suite, le Suédois a eu dimanche un comportement excessif. Certes, la faute reprochée à l'arbitre sur la passe en retrait volontaire captée par Cédric Carrasso est là et incontestable. Même ceux qui pensent que l'arbitre a pu laisser un quelconque avantage sur l'action reconnaîtront que cet avantage ne permet pas à l'équipe qui en bénéficie d'enfreindre les règles de base du football. Mais cela méritait-il un tel excès de langage ? La réponse est non. L'arbitrage le plus nul en quinze années de carrière, a déclaré l'attaquant parisien. Il suffit de revenir quelques jours en arrière et revoir les décisions arbitrales d'un certain Chelsea-PSG pour se rendre compte que sur ce coup là, « le Z » est dans l'erreur, même si cela peut s'expliquer et nous le verrons plus tard. Cette surréaction aurait d'ailleurs été certainement plus justifiée après le carton rouge reçu à Stamford Bridge mercredi.
Si cette simple phrase semble déjà de trop, que dire du « trou du cul », balancé gratuitement à l'un des arbitres assistants et qui, quelques heures après la rencontre, n'aurait de toute manière rien changé au résultat final. Le PSG, méconnaissable dimanche et notamment en première période, n'a pas montré grand chose et ne peut pas se cacher uniquement derrière une faute grossière d'arbitrage qui n'aurait peut-être pas modifié le sort du match pour expliquer sa contre-performance.
Bref, un champion de la trempe de Zlatan Ibrahimovic se devait de garder ses nerfs dans cette histoire, sachant par la même occasion que si cette scène n'était pas officiellement prévue, quelques micros ou caméras seraient toujours à l’affût du moindre mouvement de la star du championnat de Ligue 1.
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Une réaction excessive à une réaction excessive ?
Si Zlatan Ibrahimovic a eu un comportement excessif dimanche soir, il est à mon avis loin d'être le seul. Et les autres principaux concernés, en l’occurrence les arbitres, ne sont pas en reste dans cette affaire. Là aussi, il convient de dire que le métier d'arbitre n'est pas le métier le plus simple. Entre pression sur chacune des décisions, souvent contestées par l'une des deux équipes et pression des supporters, sans compter le fait que les hommes en noir doivent réagir dans l'instant et n'ont pas la possibilité de revoir les actions litigieuses, il est impossible pour un arbitre d'être totalement irréprochable tout au long d'une saison.
Alors que faire ? « Instaurer la vidéo » diront les uns. Oui, mais il faut avouer que l'argument principal des anti-vidéos reste pertinent. En permettant à l'arbitre de revoir les actions qui posent problème, on dit également adieu à une partie de l'histoire du football. Que serait devenu le but de la main de Maradona après visionnage des ralentis ? Le but de Geoff Hurst face à Gordon Banks lors de la Coupe du Monde 1966 aurait-il été accordé avec les images ? (Bien que sur cette question, même la vidéo n'a pu permettre de trancher). La vidéo aurait donc pu faire sortir de l'histoire deux des buts les plus mythiques de ce sport et en enlèverait bien d'autres dans le futur.
Autre solution : il est également possible pour tout le monde d'accepter que l'erreur est humaine, que l'arbitre est un être humain et fait partie du jeu et que donc, par conséquent, l'arbitre peut se tromper et influer sur le score final. Mais si les joueurs s'expriment, violemment ou non, les arbitres pourraient également réagir après les rencontres et justifier leurs décisions lors de polémiques comme celle qui a parfois fait la Une de médias qui, habituellement, n'accordent que peu d'importance au football. Cela permettrait parfois de mettre un terme plus rapidement à certaines « affaires ».
Enfin, se pose la question du timing ? Pourquoi les arbitres décident-ils de réagir à ce moment de la saison et après cette rencontre ? Certes, en grande partie pour réagir à la violence des propos d'Ibrahimovic. Mais le Suédois est-il réellement le seul à prononcer de tels propos ? La haine et la violence verbale envers les arbitres ne sont-elles pas finalement (et malheureusement) présentes pratiquement chaque semaine dans notre championnat ?
Là aussi, il faudrait plusieurs heures voire plusieurs jours pour disséquer en détail chaque journée et chaque match afin de trouver les meilleurs exemples permettant de montrer que l'ancien attaquant barcelonais n'est pas le premier à critiquer les arbitres dans des termes inacceptables. Que dire des récents propos de Dimitri Payet, hurlant « on s'est fait niquer, enculés ! » en direction du vestiaire des arbitres du Vélodrome après le match Marseille-Lyon ? Ou des propos de Wahbi Khazri prononcés face à l'arbitre lors de la 19ème journée et le match Bordeaux-Lyon, s'écriant « il t'a payé Aulas ? ». Les accusations de corruption en plein match sont-elles moins graves que des mots prononcés sous le coup de l'énervement par un joueur frustré par le résultat d'une rencontre, cinq jours après que ce dernier a reçu un carton rouge plus que discutable en Ligue des Champions ? Là aussi, ces circonstances n'excusent pas le comportement de Zlatan Ibrahimovic mais les arbitres pourraient tout de même réfléchir à tout cela avant de publier des communiqués incendiaires. D'autant que, comme le démontre les deux derniers exemples, la violence verbale est monnaie courante dans le football mais n'est pas toujours pointée du doigt de la même manière. Peut-être parce que tous les joueurs de Ligue 1 ne se nomment pas Zlatan Ibrahimovic...
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Une affaire d'Etat
Je terminerais ce billet en évoquant selon moi la partie la plus risible de cette affaire à savoir les réactions politiques. « Le multi-millionnaire », « enfant gâté » et « étranger » de surcroît, l'occasion était bien trop belle pour récupérer tout cela à des fins politiciennes. Et puisque des élections approchent, profitons-en.
Que n'a t-on pas entendu ces dernières heures de la part de nos gouvernants ? « L'immigré suédois socialiste » est indéfendable et la chaîne de télé qui osera trouver la moindre circonstance atténuante sera immédiatement fermée dès l'arrivée au pouvoir du parti, a ainsi tweeté un élu du Front National. Bien évidemment, la présidente de ce même parti n'est pas en reste, invitant Ibrahimovic à quitter la France. Qu'elle se rassure, au train où vont les choses, cela devrait être rapidement le cas.
Dernière réaction en date, le premier ministre Manuel Valls, qui a déclaré « que chaque mot (compte) en cette période un peu trouble ». Nul doute que le premier ministre sous-entend donc qu'il faut garder son calme et conserver le désormais célèbre « esprit du 11 janvier », et les propos tenus par Zlatan Ibrahimovic pourraient donc remettre en cause ce dernier. Rien que ça.
Dans cette affaire, il n'est pas uniquement question des propos proférés contre l'arbitre mais également les propos interprétés comme « anti-Français » du Suédois. Ibrahimovic aurait donc craché sur les Français et sur la France et son histoire. Mais Ibra la connaît-elle réellement, l'histoire de ce pays et des habitants qu'il aurait insulté ? S'y intéresse t-il simplement ? Voilà les questions qui pourraient permettre de comprendre qu'il ne s'agissait ici que d'histoire du football et que les propos considérés comme « anti-Français » n'étaient qu'en réalité des mots mal interprétés qui ont dépassé la pensée du buteur parisien sous le coup de la colère, comme cela peut arriver à tout le monde, y compris aux Français eux-mêmes dans des circonstances bien différentes ( lors de la réception d'une amende, de la feuille d'impôt plus alourdie que la précédente...)
Après la réaction excessive d'Ibrahimovic, la réaction excessive des arbitres et la réaction excessive de certains hommes politiques voire de journalistes, aura t-on droit à une réaction excessive de la Commission de Discipline de la Ligue de Football Professionnel ? Réponse dans les jours à venir...